Wednesday, December 7, 2016

Texte pour Jan Kopp


« Je ne sais pas pourquoi il court » ni où
Quelqu’un propose « Brésil » « Caracas » « Toulouse » « L.A. »
Un autre suggère « Berlin » puis déclame : « l’Espagne » avec finalité
Image floue, claire, floue, claire : les pas des voix me projettent
Vers des soirées en promenade à Madrid, sur la Gran Via
Palmiers et le goût amer de la pollution
Des voitures, bus, piétons s’impatientant en masse ramassant des
Bribes de conversations, fragments d’une journée
Qui les déroutent re-routent en boucles vers leurs apparts ou
Un bar à tapas (‘una cerveza, un pequeño plato de jamón, por favor’)
Mais non, sous la pluie, l’homme en t-shirt bleu mène sa course
Ici, dans un vide
Chemins et tours en béton, des palmes des palmiers
Pendent sous le poids de l’eau de la petite tempête, un vent court
L’homme se soulève, court, l’homme, court l’homme, l’homme court
Un, un seul, seul un homme, tout seul, il court
À travers un, pour traverser l’étendue d’un, parc abandonné
L’étendue qui est un espace urbain mais sans l’urbanité, cette masse
D’humanité qui donne à la ville son statut d’urbain, la population qui
Dépasse la population du village, et pourtant,
Ici, on voit une majorité d’une : l’Homme, un homme qui court, un homme
Qui a droit de courir l’homme à le droit de courir ici dans ce
Parc vidé pour ou par...
Quels sont les évènements qui évacuent des parcs urbains ?
On n’a pas été informé. Ce parc, oublié par un évènement dont on n’a
Pas été informé sur un cartel à côté de l’œuvre. Entendons-nous
Dans / sous ses pas ? Le spectateur dit aux autres spectateurs :
« Je ne sais pas pourquoi... » Il mène sa course
À la poursuite ou poursuivi par.... ? Je ne sais. Pas. Pas. Pas. Pas.
Tourne, diverge, virevolte, courbe, angle, tour, ronde, gris, vert,
Le parc. Je ne. Je. Courir pourtant. Pour. Pourquoi ? Quelqu’un
Dit, « C’est Tripoli » « En Lybie, alors. » « Non, l’autre—au Liban »
Personne n’est au courant. Ce  parc, le visage de la croissance libanaise
Architecte importé pour faire construire le parc futuriste de
L’Avenir à la une de....  l’éclatement d’une guerre en 1975 et
Encore 1982 et encore la guerre fuit et fuit et fait fuir les hommes
Jusqu’en 2000 ou encore, depuis 2011. Il revient. Il court. Court vers. Cet
Homme retourne pour la première fois au parc de l’avenir oublié
Attendant toujours d’accueillir la foule cosmopolite, une extravagance
Architecturale vue par un homme, seul, un homme qui court. Quelqu’un
Conclut, son ton décisif : « Il s’enfuit et il court en rond finalement »
Ce spectateur tourne, il se retourne, il tourne
En rond, finalement, ce spectateur trouve
La sortie marche vers la porte qui mène dehors, traverse
La salle, une autre, sols de béton, murs blancs et hauts, lumière
Blanche fluorescente qui mènent jusqu’à l’Ausgang : dehors
Il pleut, l’homme, déjà trempé, commence
À courir vers



NOTE : Jan Kopp expose une vidéo à La Kunsthalle-Mulhouse et à la Kunsthaus Baselland, Basel. À Mulhouse, cette vidéo est projetée sur un petit écran plat monté sur un mur au milieu d’une salle. À la Kunsthaus Baselland, la vidéo est projetée en grand format dans une salle consacrée à sa projection. Cette salle se trouve au sous-sol à droite. Quand j’ai pu regarder cette vidéo dans les deux espaces, j’ai eu l’impression de l’avoir approchée, de l’avoir été emportée vers l’homme dans ce parc par l’expérience de la Kunsthaus Baselland, mais aussi, d’avoir été exclue de quelque chose dans l’expérience de cet homme—ce spectateur du vide (est-ce moi ou lui) ? J’ai été exclue de cette course vers.... ? Cette exclusion a été accentuée par ma position physique (barrière d’approcher la grande vidéo par une petite montée de sol démarquant la position du spectateur à la Kunsthaus à Bâle) et par la taille plus petite de la vidéo montrée à La kunsthalle-Mulhouse. Pendant le vernissage à la Kunsthaus Baselland, des visiteurs ont commencé à spéculer sur l’emplacement de ce parc où cet homme courait dans la vidéo. Jan Kopp est arrivé et sans nous dire que c’était son œuvre et il commençait à nous parler du parc et de son histoire. Quand il est parti, l’homme qui avait déclenché le dialogue avec la phrase « Je ne sais pas pourquoi il court », a conclu « Il s’enfuit et il court en rond finalement »—ces 2 phrases qui ont déclenché le texte ci-dessus.


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